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LE MARI IRRITÉ

Puis elle avait disparu durant de longues, très longues années. Elle venait de rentrer en France, ayant conquis une petite fortune et une certaine renommée à la cour de Portugal, où elle avait été chargée par la reine Maria de l’éducation de trois princesses[1].

Comment cette quadragénaire avait-elle conçu la pensée de retrouver Latouche ? À cause de son goût pour les littératures étrangères ? Ou bien, en son âge mûrissant, essayait-elle de réaliser auprès de lui un rêve lointain de sa jeunesse aveyronnaise ? Et lui, comment acceptait-il les soins empressés de cette petite femme mince et laide, humblement vêtue, qui n’avait pour elle que des yeux clairs assez pénétrants ? Marceline n’en revenait pas. Il n’avait pas voulu chasser Louise Ségaut pour elle, et maintenant il accueillait cette Pauline, hier inconnue ! C’était un tel sujet d’irritation, d’exaspération, qu’elle ne pouvait se tenir d’en parler à son mari.

Dans sa « solitude peuplée » de Lyon, le tragédien, tout en étudiant les austères alexandrins du Louis XI de Casimir Delavigne, les pimpantes répliques du Richelieu de Mademoiselle de Belle-Isle, de Dumas, finissait par se demander si la singulière attitude de sa femme, cette haine toujours en éveil, ne dérivait pas d’une sournoise et secrète jalousie.

  1. Sur Pauline de Flaugergųes, cf. l’ouvrage de M. B. Combes de Patris : Une muse romantique, Pauline de Flaugergues et son œuvre.