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LE MARI IRRITÉ

Ceci, semblait-il, devait marquer le point final de ce long déchirement. Que restait-il de commun entre ces deux êtres, qu’un destin cruel avait attachés l’un à l’autre pour souffrir ? En fait, le portrait renvoyé avec ses dernières flèches, la dernière image, la dernière ombre de Marceline partie de l’ermitage du Val, ils n’avaient plus de raison de penser l’un à l’autre. Cependant, durant dix-sept années encore, jusqu’à la mort de Latouche, Marceline ne cessera de s’inquiéter de lui, de sa manière de vivre, de ses relations, des amitiés qui l’entourent, malgré ce qu’elle a toujours prédit et répété. Et si elle est maintenue ainsi dans cet état d’énervement et d’angoisse, elle le prétend du moins, c’est parce qu’elle est tirée de la sérénité où elle voudrait tant avoir la liberté de vivre, par des lettres anonymes, des billets mystérieux, des communiqués bizarres… Est-ce son ancien amant qui amuse l’hypocondrie de son déclin en lui décochant ces flèches empoisonnées ? Elle le laisse entendre du moins ; elle s’en plaint jusqu’à son mari, qui s’en étonne, qui en est excédé.

Il ne s’agit plus de Louise Ségaut, qu’à la suite de tous ses ennuis, le « Roi des Aulnes » a chassée avec la dernière violence.

Mais pour cela l’Ermitage n’est point désert. Une autre femme y est apparue, qui, elle, accompagnera, gardera, aimera Latouche jusqu’au delà du tombeau.