Page:Praviel - Le Roman conjugal de M. Valmore, 1937.pdf/198

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
188
LE ROMAN CONJUGAL DE M. VALMORE

rugit le tragédien, blessé jusqu’à l’âme. Il se plaignit amèrement à son épouse, qui venait de lui attirer une pareille mornifie ; d’un simple petit geste, leur ingratitude les souffletait.

Marceline n’en était plus à souffrir de ces blessures d’amour-propre. La plaie ouverte dans son cœur, depuis près d’un an, était autrement saignante et profonde. C’était elle qu’il fallait cautériser, et elle s’y employa aussitôt en se livrant à une fausse allégresse :

Tu as donc reçu mon portrait ? Tant mieux ! Tout de moi retourne à toi, comme l’âme retourne à Dieu ! Mon oncle doit être content, triste qu’il était de sentir ce portrait dans les mains d’un méchant[1].

J’ai brûlé ses vers imposteurs et vaniteux[2]. Cette lettre, collée derrière le portrait pour attester sa coopération à la pension refusée, fait rougir pour lui. Laissons ce malheureux dans ses replis. Il avait bien assez éveillé d’orgueil dans cette âme pure, qu’il voulait souiller pour en faire de l’avenir. Elle est, au moins, restée digne du ciel. Je ne lui ai pas fait lire toutes ces phrases tortueuses. J’ai pris peur et j’ai tout jeté dans le feu.

Garde avec lui ta noble simplicité et la distance maintenant rétablie entre nous[3].

  1. Il devait être malheureux depuis longtemps, car il était mort en 1828.
  2. Des vers de Latouche, évidemment ; de Latouche, dont Marceline, comme d’habitude, ne parvient pas à prononcer le nom.
  3. Lettre de fin février 1840.