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LE ROMAN CONJUGAL DE M. VALMORE

bienveillance à laquelle j’ai l’air de croire[1]

Au vrai, quand on connaît le dessous des cartes, le jeu n’est guère difficile à deviner. Installée par sa fille, et d’une manière qu’elle croit définitive, dans la vie de Latouche, Marceline découvre soudain qu’elle a une rivale, plusieurs peut-être : que n’a-t-il pu sortir de ses entretiens avec Louise, beaucoup mieux renseignée qu’elle-même sur la vie intime de son amant ! Si elle eût raisonné froidement, pourquoi s’émouvoir de ces révélations ? Il y a des années et des années que leur vie amoureuse est finie, et il ne demeure aucune chance qu’elle se rallume un jour… Alors, qu’importe une liaison, moins qu’une liaison même, quelques frasques sans intérêt ?

Si Marceline pensait ainsi, elle ne serait plus elle-même. Un amour comme le sien est une sorte de cas pathologique, dont la caractéristique principale est d’échapper à tout bon sens. Il la porte à être jalouse sans motif, comme ces femmes, entièrement séparées de leurs maris, mais qui ne peuvent accepter l’idée qu’ils pourraient, par suite de quelque fantaisie charnelle, tomber sous la domination d’une autre, et par conséquent échapper à la leur. Elle tremble de le perdre. C’est pourquoi elle élève le ton, se retire sous sa tente, parle de rompre toutes relations, menaces qui laisseraient Latouche bien indifférent

  1. Lettre du 30 août 1839.