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LE MARI TROMPÉ

ma répulsion et souviens-toi que je n’ai jamais été coupable que de trop d’indulgence envers les mauvais esprits. Ménageons-le seulement par une estime apparente, car ce qu’il veut surtout, c’est être honoré ! Mais l’intimité de cet homme ! Mais un service de lui, grand Dieu !… J’aimerais mieux mendier ! Branchu est innocente comme l’enfant qui naît et Pauline aussi. Je ne dirai qu’à toi par qui je le connais[1].

La riposte est vive. Si M. Valmore eût été doué de moins de candeur, il y aurait discerné la force d’une véritable haine, dernière forme de l’amour ulcéré. On peut y lire, en tout état de cause, une volonté très ferme de prendre l’offensive, de rompre coûte que coûte avec l’homme que son mari voudrait tant lui voir ménager. C’est la première fois, au bout de trois mois, qu’elle laisse percer les insinuations, qui depuis, firent si terriblement leur chemin. Alors que Latouche se plaignait à Prosper de ne plus voir ses enfants dans son ermitage, décrivait son isolement, et lui répétait ce mot surprenant : « Je veux une famille ! » elle s’aventurait à parler de répulsion et de mépris, pour bien établir qu’il n’était pas digne d’un tel entourage. Tout en feignant de se détourner de lui, elle se renseignait minutieusement sur ses moindres actions, et ne manquait pas d’avertir son mari que le pré-

  1. Lettre du 23 juillet 1839.