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LE ROMAN CONJUGAL DE M. VALMORE


Il fallut donc trouver les moyens de repartir. Quels comédiens n’ont pas connu de pareils avatars ? Mlle Mars, quoique fort attristée par la brusque fin de son domestique, Violet, que la traversée vertigineuse des Alpes avait rendu fou, vint au secours de son brave Valmore ; Marceline reçut un quartier de sa pension ; ils vendirent le superflu de leurs bagages… À laquelle de ses haltes Prosper Lanchantin n’a-t-il pas laissé ainsi quelques-unes de ses dernières plumes ? Enfin la somme nécessaire ayant été réunie, ils purent s’apprêter à quitter ce Milan, où ils étaient arrivés avec tant d’espoir, ce Milan tout pavoisé, avec son dôme couvert d’oriflammes, ses églises drapées de pourpre et d’or, ses écussons, ses arcs de triomphe, ses guirlandes. Les enfants pleuraient et riaient à la fois en faisant les emballages. Leurs parents bouclaient les malles. Un coche misérable les enleva tous, les rapporta lentement vers la France, pauvres épaves de l’art, de la poésie et de l’amour.

Cette histoire est perpétuellement coupée, ainsi par des voyages lamentables. Il faut se garder de s’en étonner. Ils étaient pénibles pour tout le monde à cette époque, mais surtout affreux pour ceux qui ne pouvaient s’y assurer un minimum de confortable. Valmore y devait donc souffrir à la fois dans son corps pour lui-même, dans son amour-propre, et aussi dans sa tendresse pour sa femme et ses filles. Et ses peines présentes se doublaient