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LE ROMAN CONJUGAL DE M. VALMORE

jour, ils rencontrèrent une moissonneuse qui les fit songer à Mme Dorval dans La Muette de Portici, où elle était si triste et si vraie.

Durant cette longue attente, Marceline seule se sentait pleinement heureuse. De fouler le sol italien lui venait une grande ivresse romantique ; surtout de penser que jadis Latouche, à peine échappé de ses bras, chaud encore de ses caresses, avait vécu dans le même pays, contemplé ce ciel éclatant. Une vague d’amour la soulevait, comme à vingt ans. Que lui importait ce campement lamentable, ces bagages encore ficelés, cette maison sale et malodorante ? Elle écrivait des vers, sur l’air du Bambino, d’Hippolyte Monpou :

Comme la plaine, après l’ombre ou l’orage,
Rit au soleil,
Séchons nos pleurs et reprenons courage,
Le front vermeil.

Ta voix, c’est vrai, s’élève encor, chérie,
Sur mon chemin.
Mais ne dis plus : à toujours, je t’en prie,
Dis à demain.

Si c’est ainsi qu’une seconde vie
Peut se rouvrir,
Pour s’écouler, sous une autre asservie,
Sans trop souffrir,

Par ce billet, parole de mon âme,
Qui va vers toi,
Sans bruit, ce soir, où t’espère une flamme,
Viens et prends-moi[1]

  1. « Lettre de Femme ». Milan, juillet 1838.