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LE MARI SIFFLÉ

Valmore s’occupa tout de suite de chercher un logement pour sa famille, pas trop loin du Théâtre Carcano, où devaient avoir lieu les représentations. C’était fort difficile, car le prix des loyers avait été sérieusement élevé. La ville s’abandonnait au vertige de la spéculation. Une seule chambre coûtait 500 francs pour la durée des fêtes, dans les quartiers les plus déserts. Une fenêtre sur la place du Dôme valait mille écus pour dix-sept jours. Enfin, ils s’installèrent au fond d’une cour humide et noire, dans un faubourg, il borgo della porta Romana. Ils occupaient un véritable réduit. Marceline et ses deux filles couchaient au milieu des malles à moitié brisées aux douanes, dans une vaste pièce nue, sans meubles ni rideaux ; et Valmore, héroïquement, se dressa un lit de fortune, comme il put, dans le corridor voisin. C’était sinistre. Line et Inès se regardaient effarées, ainsi que deux oiseaux tombés du nid. Voilà donc cette Italie, dont leur maman disait des merveilles ? Dieu, quelle saleté, quelle misère ! Elles avaient, tout le jour, envie de pleurer. En attendant l’ouverture des spectacles, leur père les prenait avec lui, les emmenait promener. Il leur faisait prendre l’air sur les remparts de la vieille ville, leur montrait les monuments les plus célèbres, le fameux Dôme. Parfois, ils allaient jusqu’à la campagne lombarde, alors dans l’éblouissement torride de l’été. Les souvenirs de théâtre ne les abandonnaient jamais. Un