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LE ROMAN CONJUGAL DE M. VALMORE

Mes genoux ployent encore et ma tête est souvent courbée comme la tienne, sous des larmes encore bien amères. La seule âme que j’eusse demandée à Dieu n’a pas voulu de la mienne. Quel horrible serrement de cœur à porter jusqu’à la mort ! Tu sais cela, toi[1] ?

D’abord réfugiée chez Caroline Branchu, elle se mit en quête d’un gagne-pain pour son mari. Elle se précipita chez Dumas, lui rappela ses anciennes promesses. Justement cela tombait bien. Lireux, directeur de l’Odéon, allait monter, de lui, un Caligula. La distribution des rôles était déjà faite ; certainement, on aurait besoin de l’aide d’un artiste expérimenté comme Valmore. Il ne mentait point, par extraordinaire. Presque tout de suite, le grand premier rôle se voyait adjoint au directeur et travaillait à la mise en scène de la pièce nouvelle de son grand ami. Il lui assurait qu’il aurait préféré jouer « les lions et les tigres » de sa pièce. En vérité, cette évocation grouillante et romantique le déroutait un peu. Il ne s’agissait plus ici de la Rome d’Horace, de Britannicus, de La Mort de César, de Brutus ou de Catilina, avec les quatre gardes empaillés au fond d’un vague décor et, au besoin, quatre sénateurs muets et effarés qui passent, en agitant sans exagération leurs toges blanches bordées de rouge. Dès le prologue fameux, nous sommes sur le forum, où le

  1. Lettre du 24 décembre 1836.