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LE ROMAN CONJUGAL DE M. VALMORE

pense dans les satisfactions de l’orgueil. Il y a dans certains cas une amère jouissance à se croire un génie méconnu : pour les acteurs, cette jouissance est fort douteuse, car ils ne vivent qu’en fonction de leurs succès les plus bruyants.

Prosper n’avait plus qu’à fuir cette ville de Rouen, « hérissée de souvenirs durs comme des pointes de fer », pour prendre un mot de sa femme, à réaliser le plus d’argent possible, en vendant le superflu de son médiocre mobilier et de son vestiaire, et d’aller se réfugier à Paris, où, peut-être, les poésies amoureuses de Marceline lui permettraient de subsister en attendant qu’il eût retrouvé un emploi quelconque. N’était-ce pas le comble à ses rancœurs ? Lui, jeune encore, robuste, beau, artiste, il se voyait obligé de demander asile à une épouse, épuisée par des malheurs, dont les plus affreux devaient demeurer secrets ?

Ils se retrouvèrent dans un petit appartement, 12, rue de Lancry, où ils devaient demeurer six mois. Le père Valmore, à bout de souffle, leur demanda un asile. Et l’on se remit à chercher le pain quotidien.

Il fallait parer au plus pressé. Harel offrit, à la Porte-Saint-Martin, tant dédaignée, une petite place, un « coin » que notre tragédien fut bien obligé d’accepter avec reconnaissance. Les appointements, même les plus modiques, empêchent de mourir de faim. Pendant ce temps, Marceline voyait un nouveau roman,