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LE MARI SIFFLÉ

deux ou trois juges de ce tribunal secret ont jeté l’avenir de trois ou quatre familles dans un bol de punch, et Valmore, son père, moi et ses enfants, nous étions, le lendemain, à la merci de la Providence. C’est horrible ! Renvoyés sans indemnité, sans dédit, du soir même où ces forcenés se sont mis à hurler contre leurs victimes.

Il y a eu un soulèvement fort honorable pour Valmore de tout le public indigné qui le redemandait à grands cris. On a tout cassé ! Il y a eu des siffleurs roulés aux pieds, on a jeté des fauteuils dans le parterre. C’était à faire mourir de peur.

L’arrière-scène était un honnête homme exilé avec sa famille. Je suis montée en voiture, le soir même, pour chercher un asile à Paris[1].

Chute bien rude. Valmore en demeura frappé au cœur. Il arrivait à ce moment pénible, où, après les résistances suprêmes de toutes les illusions, la destinée se charge de vous dire : « Tu n’iras pas plus loin. Ce que tu avais rêvé de saisir, tu ne l’atteindras pas. Il ne te reste plus qu’à renoncer et à te résigner. » Heure extrêmement douloureuse pour tous, mais d’une exceptionnelle cruauté pour le comédien, qui trouve sa principale récom-

  1. Tous les détails de cette triste aventure m’ont été communiqués par mon érudit confrère de Normandie, M. René Herval.