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LE MARI DE LA POÉTESSE

autres avec lui. Puis, elle aurait toutes facilités pour donner à ses enfants une sérieuse éducation, qui leur permettrait plus tard de mener une vie moins incertaine que celle de leurs parents. Il lui serait loisible de revoir ses amis, sa famille, de faire entrer aux Invalides son pauvre frère Félix, auquel, en se saignant aux quatre veines, elle ne réussissait à envoyer que vingt francs par mois ! Enfin, là-bas, Valmore trouverait un emploi digne de son talent, échapperait à l’abominable métier de comédien de province, qui l’étouffait.

Auguste Barbier, auquel sa poussée violente de lyrisme avait laissé son esprit pratique d’homme de loi, essayait de la ramener à l’exacte appréciation de la réalité. Comme elle énumérait les protections notoires sur lesquelles elle comptait pour faire rouvrir les portes du Français à son mari, il lui dit :

— Chère Madame, il ne faut pas compter sur la force pour réinstaller M. Valmore dans la maison de Molière. Croyez-moi, le baron Taylor est très opposé à ces sortes de réintégrations. Ceux qui en profitent sont, d’ailleurs, très mal vus. On fait la grimace à ceux qui entrent ainsi par l’appui des autorités…

Cela, Marceline le savait, mais il lui était plus cruel encore de l’entendre dire. Au vrai, son but, son désir, son idée fixe, on les connaissait : regagner la ville où elle avait connu l’amour, où elle pourrait enfin revoir, fût-ce