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LE MARI DE LA POÉTESSE

le Théâtre-Français va pouvoir représenter. Il est un des maîtres de l’opinion. George Sand lui dédie son premier roman, Lélia, quoique leurs relations n’aient pas longtemps continué : elle s’était vite aperçue qu’elle avait affaire à un personnage beaucoup trop autoritaire et jaloux pour elle.

Une telle vie rendait à Marceline une liberté qu’elle détestait, mais qui lui permettait, en toute bonne foi, de jurer à son mari que jamais d’une parole imprudente elle ne réveillerait le passé qui l’irritait, que ce passé était anéanti pour elle.

« Je te conjure de l’oublier de même, lui disait-elle. Sois liant, sois sans crainte. Je n’ai de rancune contre quoi que ce soit. Embrassons-nous, Prosper, veux-tu ? »

Il finissait par céder, car il estimait singulièrement vain d’augmenter encore par des crises de jalousie rétrospective les peines de leur existence. Il constatait quotidiennement quelle était la vie obscure et dévouée de sa femme. Était-ce l’heure de lui reprocher un passé qu’elle ne lui avait pas caché, alors que leur avenir, au lieu de s’éclairer de quelques lueurs, devenait de plus en plus sombre ?

Avec la chute de Charles X, la pension de Marceline avait été supprimée, et il faudrait de patientes démarches de Latouche auprès de M. Thiers pour la faire rétablir. Les deux petites, Line et Inès, avaient été atteintes de la fièvre scarlatine. C’était la misère dans