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LE MARI DE LA POÉTESSE

qu’elle parlât de revenir seule là-bas, pour s’y livrer à de fatigantes et indispensables démarches, c’était pour rencontrer quelque amant, celui-là même dont l’image flottait au travers de ses poèmes, de ses élégies, dont la publication récente tourmentait encore le pauvre homme !

Quelle conduite tenir ? Marceline se taisait. En pareilles circonstances, son expérience douloureuse lui démontrait que le silence était le meilleur remède. Les regrets, les angoisses qui l’obsédaient dans cet affreux exil, elle les renfermait en elle-même, n’en laissait rien paraître. Si, dans Les Annales romantiques, elle s’abandonnait à dédier à M. H. de Latouche son transparent Bouquet à la Croix :

Et moi, j’ai rafraîchi les pieds de la Madone
De lilas blancs, si chers à mon destin rêveur ;
Et la Vierge sait bien pour qui je les lui donne,
Elle entend la pensée au fond de notre cœur,

elle n’en parlait jamais que le plus froidement du monde, et quelquefois avec une espèce d’irritation secrète qu’un homme plus perspicace que Prosper aurait vite déchiffrée.

De passage dans la capitale, en avril. 1827, elle lui racontait sur un ton enjoué qu’elle avait déjeuné avec une Mme O’Donnell, sorte de gendarme déguisé, à la voix grosse comme un basson, qui lui disait un mal affreux de M. de Latouche ; et elle ajoutait :