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LE MARI DE LA POÉTESSE

de trop longues éclipses ; je lui ai reproché de n’être pas toujours en scène et de laisser quelquefois errer son esprit dans les espaces imaginaires.

Il pensait sans doute trop à sa femme, qui, elle, secouait ses tristesses en se disant que sa carrière théâtrale était finie.

Ne pas jouer la comédie, écrivait-elle à l’oncle Constant, est un genre de bonheur que je ressens jusqu’aux larmes…

Cela lui suggérait des éclats de gaieté fort imprévus. En petit comité, elle se laissait aller à chanter des romances burlesques, notamment celle-ci, sur l’air de : Femmes, voulez-vous éprouver, toute trouée de cocasses hiatus :

Adèle, je t’ai vue hier,
Tu avais ton chapeau aurore ;
Avec ce hussard qui te perd,
Tu allais au bal de Flore.
Ô Adèle ! Ô objet charmant !
Méfie-toi de ces bons apôtres.
Fille qui a eu un amant,
Peut peu à peu en avoir d’autres !

Valmore souriait, avec une condescendance un peu dégoûtée, à ces couplets ineptes, si parfaitement déplacés dans la bouche d’une femme dont il n’ignorait pas tous les malheurs ; mais il ne se fâchait pas, car Mar-