Page:Praviel - Le Roman conjugal de M. Valmore, 1937.pdf/101

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
91
LE MARI DE LA POÉTESSE

cheur, sa voix étaient perdues. Comment pourrait-elle jamais recommencer à dire : « Le petit chat est mort » ? Elle n’avait rien de celles qui s’obstinent. Elle ne voulait plus s’exhiber, laide et fanée, à côté de son mari jeune et piaffant. Elle lui cédait la place. Elle sentait, Latouche le lui avait fait comprendre, qu’elle avait autre chose à faire que de débiter les vers des autres.

Certes, elle avait eu bien tort d’épouser un comédien, mais elle était trop fière pour le reconnaître jamais. Tout le plan de sa vie serait de ramener ce pauvre homme à Paris, la seule ville où elle pourrait enfin être elle-même, vivre et triompher. Valmore, d’ailleurs, ne demandait pas mieux. Et, pour lui rouvrir les portes du Théâtre-Français, il comptait au premier rang sur M. de Latouche, dont la situation littéraire et mondaine ne cessait de s’affermir.

En attendant, il fallait se contenter de la province, s’arranger pour y vivre le mieux possible. De Lyon, en 1823, ils vinrent à Bordeaux[1], ayant laissé leurs deux enfants en nourrice : Hippolyte à Saint-Rémi, près des Andelys, chez sa tante Cécile ; Hyacinthe, chez de braves paysans aux environs de Lyon.

Je suis bien aise que Prosper ait accepté,

  1. Sur ce séjour à Bordeaux, voir deux remarquables articles de M. Paul Courteault dans La Revue historique de Bordeaux et du Département de la Gironde (mars, avril et mai, juin 1923).