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lorsqu’on s’étonnait, autour de lui, de le voir franchir ainsi sans effort la distance qui sépare un homme de son monde du commun des mortels, il souriait avec finesse. Moins que personne, en effet, il ignorait l’immense différence qui existe entre un baron d’ancienne race et un roturier sans aïeux et, s’il dédaignait de s’envelopper de hauteur, c’est qu’il prisait trop haut l’avantage de sa naissance pour juger utile la manifestation d’une mesquine vanité.

— Qu’est-ce que tu peux trouver là d’amusant ? reprit M. de H. en considérant son ami avec une curiosité mécontente. Ces gens t’invitent pour faire parade de toi. Tu es bien naïf de t’y prêter.

— Quand cela serait, dit le jeune homme, pourquoi ne pas leur donner cette satisfaction ? Cela me coûte si peu.

Et tirant sa montre, il se leva :

— Deux heures, dit-il, j’ai juste le temps de m’habiller. Viens-tu ?

Les deux amis quittèrent le café à la mode, lieu ordinaire de leur rendez-vous, et ils s’en allèrent lentement par les rues escarpées de la petite ville ensoleillée. On était à la mi-juin