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gable accompagnait la poignante rêverie du jeune homme.

— Est-ce que vraiment je la ferais souffrir ? se demanda-t-il enfin, est-ce que j’aurais cette lâcheté ?

Et il s’accouda sur le rebord de la fenêtre, les yeux perdus dans l’espace, tandis que la conviction de son impuissance à briser le joug du passé le pénétrait.

— Qui suis-je donc ? murmura-t-il, je ne possède point de volonté, ou du moins ce que j’en possède est enfermé dans de certaines limites. Hors de là, tout m’échappe.

Il se leva, arpenta une ou deux fois la chambre avec agitation, puis, brusquement, il s’assit à sa table, saisit sa plume et écrivit rapidement :

« J’ai réfléchi, et, selon le désir exprimé dans ta dernière lettre, je serai en Courlande dans quelques jours. Je suis prêt, mon cher père, à prendre la direction de nos terres et à te décharger de toute responsabilité. Je partirai demain. »

Il signa, jeta sa plume loin de lui, cacha sa figure dans ses mains et resta un moment immobile.

— Oh ! pleurer ! dit-il enfin, en balayant avec colère quelque chose d’humide qu’il sentait