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quatre ans, le fond solide de toutes ses pensées reprenait corps, l’assaillait de nouveau douloureusement.

— Mon Dieu, murmura-t-il en passant la main sur ses yeux pour en chasser cette obsession qui, après tant d’efforts pour la repousser, revenait à lui, saisissante, toutes ces choses sont pourtant des chimères. Comment, si tu as senti ce que je sens, ne le comprends-tu pas comme moi ?

M. de H. laissa un moment flotter son regard sur le lac d’acier dont la surface bleue se froissait çà et là, effleurée par l’imperceptible brise, puis il quitta sa place et se mit à marcher.

— Des chimères, dit-il enfin lentement, pour les autres hommes, peut-être, mais pour toi et pour moi, ces chimères constituent les assises de toute notre vie intérieure. Tu ne parviendras pas plus à changer ces plis de ton esprit que les traits de ton visage. C’est trop tard pour toi et pour moi. Il y a des hommes parmi nous, ils sont rares, mais enfin il y en a dont la puissante personnalité, pour s’épanouir librement, s’affranchit de tous les jougs, mais nous ne sommes, ni toi ni moi, de ces révoltés-là. Toutes les satisfactions subtiles, qui