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de sa vie et il hésita quelques instants, la gorge serrée.

— Je ne suis pas un être communicatif, dit-il enfin avec effort. Ne me force pas à violenter ma nature. Crois-moi simplement si je te dis que j’ai soutenu la même lutte et connu la même tentation.

— Toi, dit lentement le baron de M., tu as aimé, tu as souffert ?

Et il fixa un regard incrédule sur son ami, scrutant le visage pâli. Il n’avait jamais soupçonné de drame caché dans une vie, en apparence, sans orages.

M. de H. soutint franchement le regard interrogateur attaché sur lui.

— Pourquoi te tromperai-je ? dit-il avec chaleur.

Il ajouta bas après une seconde d’hésitation :

— Oui, j’ai souffert, je souffre encore.

— Et, interrogea le baron sourdement, aujourd’hui encore ta raison approuve, légitime ce sacrifice d’un vivant à des choses mortes.

— Oui.

Les deux hommes se regardèrent en silence. Le magnétisme qui émane d’une volonté puissante enveloppait, malgré lui, le baron de M. Tout ce qui avait constitué, pendant vingt-