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— Tu te fais illusion, dit froidement M. de H., ta raison n’est pour rien dans la conclusion où tu es arrivé. C’est ta passion seule qui parle et c’est elle qui te mène. Je te connais.

Le jeune baron garda le silence. Subitement devant ses yeux l’image de Marie, fuyant dans sa robe de mariée, venait de surgir de nouveau inopinément, et le superbe dédain éprouvé en face de la dévorante préoccupation de la jeune femme, lui revint vivement à la mémoire.

— Quand tu dirais vrai, reprit-il d’une voix mal assurée, pourquoi la passion ne serait-elle pas, quelquefois, une lumière pour la raison ?

— Parce qu’elle ne brille qu’un jour et que la vie est longue. Je t’en prie, Carl, poursuivit M. de H. avec une insistance passionnée, ne réfléchis plus… va-t’en… pars demain.

— Partir, moi ! dit le jeune baron vivement. Si tu savais ce que tu demandes, tu ne formulerais pas même ta pensée, mais tu ne le sais pas, tu ne le soupçonnes pas.

— Si fait, dit le jeune homme simplement, je le sais.

En même temps sa figure toujours pâle se décolora davantage. Il lui était affreusement pénible de faire allusion aux choses secrètes