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Il avait pour M. de M. une affection de frère et il venait de craindre que son amitié ne fût impuissante à maintenir devant les yeux de son ami le juste équilibre entre les respects dûs au passé, à tout ce code de devoirs irréductibles, et l’irrésistible attraction d’un avenir absurde. Il se leva ; trop de monde était autour d’eux. Dans ce rendez-vous familier qui avait vu passer tant d’heures insouciantes, le sérieux actuel de leur esprit détonnait.

Ils cheminèrent en silence à travers les rues animées de la petite cité suisse jusqu’à ce qu’ils eussent atteint la limite où les maisons se font de plus en plus rares et les piétons presque nuls. Un vent frais soufflait du nord et le lac, immobile, venait d’apparaître brusquement dans son bassin grandiose et profond. C’était une très belle journée d’été, tempérée et radieuse.

— Que comptes-tu faire ? dit enfin M. de H. en s’arrêtant tout à coup pour s’accouder sur le parapet de pierre d’où l’œil embrassait le vaste espace de ciel et d’eau, l’épouser, n’est-ce pas ?

— L’épouser, oui.

Il y eut un silence. Ni l’un ni l’autre n’avait