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lait de nouveau sur la longue route blanche entre les prés fleuris. La nuit était tout à fait venue, une nuit sourde où, par-ci par-là, de lointaines étoiles perçaient la légère brume de tout petits points rouges éteints. Il regardait, rêveur, filer la campagne aux tons tristes et gris. Aucune pensée précise ne se dessinait dans son esprit, mais un malaise vague l’oppressait. Il s’agitait, allant d’une portière à l’autre, remuant, nerveux, inquiet, très impatienté de ce souci d’esprit inaccoutumé. Et tout à coup l’image de la mariée, fuyant dans sa vaporeuse toilette d’innocence, surgit de sa rêverie. Elle lui apparut toute enveloppée de lumière. Où était-elle à présent ? Loin déjà ! Ou bien peut-être aussi tout près. Qu’importait ? Laissant tomber derrière elle tout son passé, devenu trop étroit et inutile, elle avait emporté avec elle, l’air, l’espace, la vie. Il fit un violent effort pour réveiller le dédain éprouvé tout à l’heure pour le sentiment égoïste et cruel qu’il avait vu infliger, inconsciemment, une inguérissable blessure, puis, comme si la culpabilité ne pesait pas tout entière sur Marie seule, il murmura :

— Je n’aurais pas dû jouer avec elle. J’ai