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retrouvait ses couleurs ; mais le cœur ne raisonne pas comme l’esprit.

— C’est un tort. Si votre amie raisonnait, elle eût fait la part la plus belle à l’amitié, car ce qui la grise dans ce moment s’évanouit comme l’ivresse du vin.

— J’espère que vous vous trompez, dit-elle simplement. Marie mérite d’être heureuse.

— Oui, mais elle a beaucoup à apprendre. La valeur relative de toutes choses lui est devenue insaisissable. Pour le moment, elle est possédée par une pensée unique qui lui dévore le cœur.

Alice ne répondit pas et, la sentant encore vibrante d’une émotion dominée avec peine, il reprit avec bonté :

— Soyez donc sans inquiétude. Elle vous reviendra.

— Non, dit-elle, non, pas comme autrefois. Vous êtes vieux comme le monde et vos idées dépassent de toute la tête mon intelligence et mon expérience, mais ici je ne vous crois pas.

— Pourquoi ?

Elle hésita une seconde, mais resta muette. Et dans ce silence perdu au milieu du bruit croissant qui les environnait, la foi de la jeune