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— Vous vivez chez vos parents ?

— Mes parents sont morts. Je vis avec ma tante.

Il se tut et l’enveloppa d’un regard de profonde commisération. Comment cette fine fleur de serre avait-elle fait pour s’épanouir à l’ombre de cette grosse plante ordinaire, presque commune ?

— Oh ! dit-elle vivement, comme si elle eût compris le sens de ce silence et en souffrît ; elle est très bonne, je l’aime de tout mon cœur, seulement…

Elle s’arrêta brusquement. Une fois déjà l’appel de ce bienveillant regard de jeune homme l’avait entraînée à une confiance sans raison d’être vis-à-vis d’un étranger. Elle n’acheva pas et le jeune baron respecta son silence. Il venait de soupçonner chez cette enfant un froissement intérieur, une inconsciente souffrance, créée par l’incessante proximité d’une nature sans délicatesse, presque grossière, à laquelle pourtant la reconnaissance du cœur l’enchaînait. Tout le petit drame intime, silencieux, invisible, qui se jouait dans cette vie de dix-huit ans lui apparut en contours précis et son cœur bon s’apitoya. Et tandis qu’il