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Et il eut un mouvement d’humeur d’être forcé, vis-à-vis de cette femme, à sortir des limites de stricte politesse où il comptait enfermer leurs relations. La jeune fille n’aurait pas pu lui exprimer plus désagréablement le désir d’être laissée à ses propres réflexions. Et tandis qu’il subissait les compliments exagérés de la tante, il eut pour la seconde fois un rapide regret d’être venu dans cette maison accomplir un acte de bienveillance fictive ou plutôt se jeter en pâture à la grosse vanité de gens antipathiques. En même temps un imperceptible aiguillon piquait son amour-propre. Cette petite bourgeoise avec son chagrin de pensionnaire lui échappait. Elle n’avait pris garde à lui que lorsqu’il avait touché à la préoccupation de son esprit ; en dehors de ces considérations limitées, il faisait partie, pour elle, du grand monceau des indifférents. Il jeta un regard rapide autour de cette table bruyante, garnie pour lui d’inconnus, et ses yeux s’arrêtèrent sur la mariée. Les joues de la jeune femme, pâles tout à l’heure, s’étaient colorées et ses yeux brillaient d’un éclat plus noir et plus vif. L’heure approchait où ce qui avait été un rêve, aux contours incertains,