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Et ses yeux s’arrêtèrent à la fenêtre où la jeune femme avait repris son attitude de suprême félicité.

— Le mari n’est vraiment pas mal, continua-t-il ; qu’est-ce qu’il peut bien être ?

Et il sentit une souriante pitié lui venir pour ces deux êtres si visiblement épris l’un de l’autre. L’amour lui était inconnu ; il considérait cette faiblesse passagère comme une surprise de la nature que la volonté d’un homme, s’il la possède, peut affronter sans danger ou vaincre sans peine. Mais s’il refusait à la femme tout sacrifice momentané de sa raison, il la dédommageait en la nourrissant de sucre et de miel, il enveloppait cet être subalterne d’incessantes flatteries, tantôt cachées et pénétrantes, tantôt directes et presque brutales à force d’outrager la vérité. Mais il y avait tant de fraîcheur et de sincérité momentanées dans ses exagérations de langage, qu’il fallait presque, pour les réduire à leur valeur réelle, c’est-à-dire à l’intention, toujours vraie, de se montrer affable et bon, une sceptique expérience de la vie.

Une demi-heure plus tard, toute la noce s’attablait et, pendant le silence un peu froid qui s’établit au début du repas, le jeune baron