Page:Pradez - Une Idylle à Lausanne, 1895.djvu/19

Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 18 —

— Marie, dit le jeune B. à voix basse, m’a désigné les personnes avec lesquelles vous auriez du plaisir à causer ; je ne vous présenterai que celles-là. Tenez, voici votre voisine de table, — elle arrive en ce moment en rose, — Mlle Alice R.

— Ah ! mon Dieu, pensa le jeune baron contrarié, une fillette ! Toujours des fillettes ! Et il suivit un moment des yeux avec ennui une svelte jeune fille vêtue d’une robe de soie légère, et la regarda traverser le salon dans toute sa longueur pour arriver jusqu’à la mariée.

Chose étrange, les vingt-quatre ans de ce jeune homme n’avaient point de goût pour les fleurs trop printanières. Il ne trouvait rien à communiquer aux âmes candides qui, s’entr’ouvrant à peine à la vie, n’en connaissent encore que les toutes petites émotions. Soit qu’il y eût, dans ses vingt-quatre ans d’existence, trop d’expériences diverses, soit que la grosse contrariété de sa vie eût donné à son esprit une maturité précoce, il ne goûtait pas le verbiage gracieux, mais nécessairement vide d’idées, de la verte jeunesse féminine.

— Bah ! pensa-t-il, qu’est-ce que quelques heures d’ennui ?