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invités, d’une joie trop débordante, il chercha des yeux la mariée. Elle était près d’une fenêtre, un peu cachée derrière le rideau, et elle causait avec un grand jeune homme à moustache noire, aux traits réguliers et fins. Elle avait les yeux baissés et rien qu’à la voir ainsi on devinait que sa voix tremblait, que toute sa personne menue, si hardie en face des dangers extérieurs, vibrait à présent d’une émotion tout autrement forte et profonde. Toutes ses pensées, oui toutes, étaient pour ce jeune homme auquel elle venait de se donner pour la vie, aveuglément décidée, cela se lisait dans son attitude passionnée, attentive et soumise, à exécuter à la lettre, heure par heure, tout ce qu’il pourrait vouloir d’elle. Le baron de M. la considéra un moment sous ce jour nouveau, dans sa fraîche toilette blanche qui l’embellissait singulièrement, et un léger froissement lui effleura l’âme. Il n’avait jamais eu, pour cette jeune fille sans importance, l’ombre d’un caprice, mais il venait de comprendre que lui non plus n’avait jamais rien été pour elle, et il regrettait d’avoir fait, en venant à cette noce, un sacrifice inutile. Rompu aux usages mondains, il se trouvait, pour la pre-