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servateur du nom et des privilèges héréditaires, au sol natal, l’engageant vis-à-vis du passé à une servitude perpétuelle. Oui, le majorat qui lui donnait la fortune l’astreignait en même temps à une lourde dépendance. Toutes ses ambitions d’avenir étaient fauchées jusqu’à la racine, le laissant en face d’une carrière dépourvue pour lui d’intérêt, où ses aptitudes particulières resteraient sans emploi. Courlandais, sujet russe, il n’avait pas accès aux carrières diplomatiques et forcément sa jeune et forte intelligence, tout entière dirigée dans ce sens, verrait sa sève de vie s’épuiser sans utilité.

Lorsque le cheval essoufflé, qui emportait derrière lui, sans s’en douter, le poids glorieux de tant d’années évanouies, s’arrêta brusquement, le jeune homme tressaillit. Il descendit distraitement du fiacre et entra dans la maison ayant encore aux lèvres l’amertume du poignant regret qui, de temps en temps, lui étreignait l’âme douloureusement.

Ce ne fut que lorsqu’il se trouva dans un salon, bourdonnant de monde, qu’il reprit le sentiment de la réalité. Après avoir salué M. et Mme B., rayonnants au milieu de leurs