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ter sur une fête, où sa présence apportait un lustre incontestable, le froid d’une défection. Sans doute il trouverait mille excuses pour expliquer son abstention, mais il éprouvait une sorte de gêne d’avoir recours, pour tromper les gens simples qui l’attendaient, au raffinement de mœurs vides et mondaines. Son cœur était bon et il avait le sens délicat des nuances. Le conflit inattendu qui venait de surgir entre sa sensibilité et les habitudes de son esprit, le forçant à choisir entre deux obligations de différents lignages, le contrariait visiblement ; et tout en battant l’air de vigoureux coups de canne où s’éventait son agitation intérieure, il pensait :

— J’ai été trop prompt ; il fallait refuser, mais maintenant c’est trop tard ; j’irai.

Une heure après, le jeune baron courlandais sortait en habit de gala d’une villa, située en pleine campagne et, entrant dans le fiacre arrêté devant la grille du jardin, il roulait bientôt rapidement sur la route blanche et poudreuse. Distraitement il regardait du côté du grand lac bleu et voyait succéder aux grands vignobles monotones les prairies en fleur dont les arbres, d’un vert cru, se détachaient dure-