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la part si grande que ce fils de prédilection lui avait faite dans son cœur, la fît souffrir sourdement, il n’y avait pas de jour où l’obstination de Jacques à rester seul ne la tourmentât d’une autre manière. Que deviendrait-il, quand elle l’aurait quitté ? Oui, que deviendrait-il sur ce sol étranger où, grâce à Philippe, leur bien-être s’était édifié ? À part Philippe, il ne comptait pas un seul ami, tels que les façonne une communauté d’expériences au début de la vie. Mais Philippe avait une famille, lui, une petite patrie s’était reformée autour de lui. La sensation déprimante de la solitude ne l’atteindrait jamais. Ah ! si seulement elle avait eu le courage de rester chez Valentine en simulant un désir qu’elle n’avait pas, peut-être le poids de l’isolement aurait-il eu à la longue plus de force que tous ses conseils, et Jacques se serait-il décidé tout seul à suivre l’exemple de Philippe.

Elle songea un instant au jour où, impatienté de ses atermoiements sans fin, ce fils si tendre était venu voir de ses yeux ce qui la retenait si longtemps loin de lui malgré ses pressants appels, à ce jour, le plus beau qu’elle eût vécu, où il l’avait enlevée de force sans vouloir écouter ses explications.