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sphère de ce matin d’automne était pesante ; très loin, le soleil apparaissait de temps en temps au fond des brumes, pâle lueur fugitive trouant le ciel gris, uniforme et triste. L’air était si lourd, si immobile, qu’au bout de leurs tiges flexibles pas une feuille ni une herbe ne tremblaient.

Oppressée par le silence obstiné de la fillette, Germaine avait fini par passer son bras sous celui d’Isabelle, et elle lui avait demandé :

— À quoi pensez-vous, mon enfant ?

D’un ton bref, la réponse était venue sur-le-champ :

— Je voudrais voir la mer.

Trois mois auparavant, le même souhait avait été exprimé à Germaine dans les mêmes termes, mais la fantaisie d’Isabelle ne traduisait qu’une curiosité naturelle, stimulée par le départ de son fidèle compagnon de jeux. Le désir de Lucien cachait autre chose.

Au bout d’un instant, l’enfant avait repris du même ton bref :

— Pourquoi est-ce que papa déteste ainsi Lucien ? Le savez-vous, maman ? Qu’est-ce qu’il lui a fait, à papa, Lucien ?

Gênée par le regard questionneur de la fillette planté droit dans ses yeux, Germaine