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mécompte de Lucien s’évaporer dans la solitude. Quant à la question qu’il venait de lui poser, elle y avait répondu sans cesser d’être véridique, mais en obéissant strictement au désir de Philippe. Le petit capital qu’elle avait apporté à la communauté lors de son mariage appartenait, en effet, à Philippe jusqu’à la majorité de Lucien.

Elle resta rêveuse. Un pli d’incertitude s’était creusé entre l’arc fin des sourcils noirs. Les devoirs précis légués par le passé et les ardents désirs du présent se combattaient corps à corps dans son esprit, et elle assistait indécise à ce conflit fatigant.

Oh ! si seulement cet enfant pouvait aller courir vers l’inconnu, de son plein gré ! Si un jour cette vie d’aventures si pleine de séduction pour tant d’autres pouvait le tenter.

Elle murmura :

— Il est libre de choisir ce qu’il veut. Si un jour il désire partir, je ne pourrai pas l’en empêcher.

Et jusqu’à ce que, tard dans la soirée, elle entendît enfin la voiture ramenant Isabelle rouler sur le gravier de la cour, elle poursuivit sa méditation avec le même va-et-vient de pensées contradictoires.