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Il s’arrêta un instant, étonné du silence obstiné d’Isabelle, puis il continua :

— Le jour de mon départ, vous m’attendiez sur ce banc. Vous ne vouliez pas me laisser partir. Vous vous accrochiez à moi en disant : « Pas encore… pas encore… » Il me semblait que jamais je n’aurais le courage de vous quitter. Un peu plus tard, je vous entrevoyais une dernière fois toute seule sur ce banc… je n’ai jamais oublié ce moment.

— Mais maintenant, dit enfin Isabelle tremblante, un avenir souriant, une vie nouvelle s’ouvrent devant vous, et moi…

Le cœur battant, Jacques écouta. Isabelle aurait-elle le courage que son père n’avait pas eu ? Instruirait-elle son ancien compagnon de jeux de l’engagement qui la liait à un autre ? Non ; après une seconde d’hésitation, elle ajouta d’une voix basse :

— À quoi bon faire revivre les souvenirs d’un temps qui ne reviendra pas ? Il faut les oublier.

Lucien resta quelques secondes déconcerté, puis il protesta un peu amer.

— Oublier la seule affection que j’aie connue au milieu de l’indifférence et de l’abandon où m’avait laissé la mort de mon père ! je ne peux pas. Dites-moi la vérité avec l’ancienne