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Tout à coup, je vous ai vue à côté de moi ; vous aviez une robe blanche. J’ai cru d’abord à une vision et, pour ne pas risquer de vous faire évaporer en fumée comme les autres hallucinations qui tourmentaient ma solitude, je vous ai demandé tout bas : « Isabelle, est-ce vous ? » Nous sommes restés longtemps sans parler. Depuis que mon père m’avait quitté, c’était la première joie que j’éprouvais. Vous voir ainsi tout près de moi après ma longue solitude, c’était trop de bonheur tout d’un coup, cela m’étouffait !

Isabelle resta muette. Lucien reprit :

— Si souvent, quand j’étais encore bien portant, je vous regardais de loin circuler dans les parterres du jardin ! Je surveillais tous vos mouvements jusqu’à ce qu’enfin votre figure inquiète se levât de mon côté. Vous regardiez longtemps ma fenêtre, puis vous rentriez dans la maison, et je ne vous revoyais plus jusqu’au soir ; mais la certitude que j’occupais une place dans vos pensées me suffisait. Quand je vous avais vue regarder ainsi de mon côté, j’étais heureux jusqu’au lendemain… Un jour, Isolant en vous voyant installée auprès de moi vous a caressé la joue en disant : « Voilà la meilleure garde-malade de tout le pays ». Ce