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Et brusquement son cœur se serra. Pour la première fois une angoisse lucide la possédait. Entre elle et ses aspirations présentes, il y avait Jacques… Jacques qui avait été son seul recours aux jours difficiles, à qui elle avait librement donné sa vie, Jacques dont, là-bas, en face de la mer écumeuse, les lèvres brutales avaient pressé les siennes. Le lien qui l’attachait à Jacques lui paraissait aussi impossible à rompre qu’une chaîne de fer.

Lucien continua :

— J’étais résolu à m’adresser à mon oncle. J’espérais qu’il m’aiderait à suivre la carrière de mon père, mais il ne m’a pas même permis de songer à des études. Je n’avais rien. Il fallait vivre ! J’acceptai dans la maison l’emploi qui m’y était offert en attendant de pouvoir me libérer de l’aide d’autrui. Mais je ne gagnais pas assez pour me procurer les livres et…

Brusquement il s’interrompit. Au bout d’un instant, changeant de ton, il poursuivit vivement :

— Vous souvenez-vous du jour où vous êtes venue pour la première fois me tenir compagnie après ma maladie, Isabelle ? Vous êtes entrée si doucement que je n’ai rien entendu.