Page:Pradez - Réparation, 1905.djvu/235

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 235 —

tard, il remontait dans sa chambre instruit que l’arrivée de la petite fille ne changerait rien à son existence, et que, pour tout ce qui touchait à la vie matérielle, il dépendait entièrement de Philippe. Une ou deux fois, du bas de l’escalier, il avait entendu sa belle-mère le rappeler : « Lucien ! Lucien ! » mais il ne lui avait pas répondu. Assis, la tête entre les mains, les dents serrées pour ne pas pleurer, il se répétait : « Je m’en irai d’ici, je m’en irai d’ici ! » Fuir le voisinage de Germaine, s’en aller loin d’elle, de cette maison, de cette petite fille inconnue, il n’avait pas eu d’autre pensée jusqu’à ce qu’il entendît enfin rouler sur le gravier de la cour la voiture qui ramenait Isabelle et son père. Aujourd’hui, des relations factices qui l’unissaient autrefois à Germaine, il ne restait plus rien, et, sauf l’expression d’anxiété qu’il lui avait toujours vue, pendant les derniers mois de leur vie sous le même toit, il n’avait rien retrouvé sur le visage fané de sa belle-mère de ce qu’il y avait connu. Ils s’étaient abordés comme des étrangers. Lorsqu’il rencontrait le regard inquiet de Germaine, il retrouvait dans son cœur l’endolorissement qu’y avait laissé sa triste enfance et c’était tout. Mais il ne s’attardait pas longtemps à remuer