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échoué à faire renaître l’ancienne spontanéité amicale. Le docteur, qui l’avait soigné avec une si chaude sympathie autrefois, l’abordait aujourd’hui d’un air distrait. Au bout d’un instant, il murmurait quelques excuses hâtives et, toujours pressé, le quittait.

La nuit, il était harcelé de rêves fiévreux, où tantôt avec sa figure anxieuse d’enfant, tantôt sous sa forme nouvelle, au visage froid et blanc, il voyait passer et repasser Isabelle. Parfois elle traversait ses visions en riant aux éclats de son rire perlé d’autrefois et elle lui disait : « C’est moi, ce n’est pas moi ! » comme si, des regrets poignants de son ancien compagnon, elle se faisait un jeu cruel.

Dès que le jour pointait, il s’en allait à travers la campagne dans le crépuscule blême du grand matin, à cette heure grise où, jadis, la voix de son père résonnait tout près de lui. Mais il ne la trouvait plus nulle part, ni sous le froissement des feuilles mortes qu’il écrasait en traversant les grands prés endormis, ni au fond de la brume d’automne, ni au milieu des champs tondus où, naguère, les moissons de Philippe s’élevaient drues et vivaces ; mais de très loin, perdue au milieu du brouhaha de la grande ville étourdissante, une