Page:Pradez - Réparation, 1905.djvu/218

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 218 —

Elle ajouta aussitôt avec vivacité comme si elle se décidait tout à coup, pour changer la direction de l’entretien, à donner à sa pensée sa forme et sa vie réelles :

— C’est sur ce banc, à l’ombre de ce gros lilas, que nous étions assis le jour où Lucien est parti. Je le vois encore, comme si c’était hier, descendre en courant les degrés du perron et disparaître derrière les buissons. L’instant d’après, il était devant moi, pâle comme un mort. Oh ! mon Dieu, penser que tout cela est fini !

Jacques ne dit rien. Il avait redressé son buste puissant, carré, presque athlétique, et il luttait contre la fièvre qui troublait son amour profond pour Isabelle chaque fois que le souvenir de Lucien sortait de l’ombre. Il sentait le poison subtil et sournois s’insinuer lentement dans ses veines.

Isabelle poursuivit :

— Jusqu’à ce qu’il eût disparu, je n’ai pas —quitté ce banc. Je suis restée clouée à cette place comme je le lui avais promis, mais plus tard, bien souvent, j’ai regretté de lui avoir obéi. En suppliant papa à ce moment-là, je l’aurais fléchi. Maintenant, tout cela est passé !