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pense que, grâce à vous, l’angoissant réveil des choses passées est désormais impossible, que je n’éprouverai plus jamais, en embrassant papa, ce froid au cœur qui nous faisait tant souffrir tous les deux, que peu à peu le souvenir de ces tristes années s’effacera, je sens que je ne pourrai jamais, jamais vous rendre ce que vous avez fait pour moi.

— Ce que vous dites là, Isabelle, prouve simplement que vous ignorez ce que Philippe a été pour moi autrefois. Je lui dois tout ; ma carrière heureuse ici, je la lui dois. Qu’est-ce que j’ai fait pour lui et pour vous en retour ? J’ai été jusqu’à Paris, voilà tout. N’importe qui, le premier indifférent venu, aurait pu vous rendre le même service.

— Et pourtant, murmura Isabelle, c’est vous seul qui y avez pensé. Jamais je n’oublierai cela.

Jacques protesta sourdement :

— Vous parlez sans cesse de gratitude, mais, entre vous et moi, ce mot n’a pas de sens, non, ni le mot, ni la chose. Vous faites déjà partie de ma vie, et vous entendre constamment parler de gratitude, cela me glace comme le témoignage banal d’une étrangère. Comment ne le comprenez-vous pas ?