Page:Pradez - Réparation, 1905.djvu/17

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 17 —

mense étendue des moissons déroulait à perte de vue son tapis jaunissant. Ici et là, groupées autour de lointains clochers, des maisonnettes aux toitures écarlates s’aplatissaient sur le sol, se terraient comme dans un trou, et, abritées d’une poussée d’arbres, ces sortes d’îlots, perdus dans la plaine, atténuaient l’absolue monotonie du paysage, la coupaient de tons crus, vigoureux. Sous le soleil lourd et étouffant de la canicule, l’étendue sans fin sembla à Germaine plus morne et plus désolée que jamais. De tous ces champs dorés, aux épis drus et pleins, gages pour elle d’abondance et de sécurité, une tristesse saisissante montait. Un silence de mort planait partout, et son cœur se serrait, tourmenté d’une nostalgie sans nom et sans objet précis. Jamais elle ne s’était sentie aussi seule, aussi abandonnée, aussi étrangère dans ce petit pays où, deux ans auparavant, elle avait suivi Philippe si joyeusement.

Peu à peu, d’image en image, toute sa vie passée défila devant elle, courant au travers d’une première jeunesse difficile, laborieuse, brusquement terminée par son mariage avec le père de Lucien. Dès son entrée dans sa nouvelle demeure, le jour même de son arrivée,