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je fus tout près de lui. Jamais, non jamais, je n’ai oublié l’expression de ce visage décharné, livide, sans une goutte de sang nulle part, lorsque tout à coup il m’aperçut. Et vous voulez que j’efface tout cela de ma mémoire ? Mais après ce qui s’est passé, c’est impossible, c’est impossible !

Il s’était dressé sur ses oreillers et il murmurait :

— Isabelle… c’est vous… c’est vous ?…

Il ne put rien dire d’autre et longtemps nous restâmes la main dans la main sans prononcer une parole. Qu’est-ce que nous nous serions dit quand nous sentions peser sur nous ce je ne sais quoi d’occulte que nous ne savions ni l’un ni l’autre expliquer ni traduire en mots ?

Ce fut lui qui parla le premier. Il me dit, l’œil brillant :

— C’est donc vrai qu’on vous permet de venir ? Ah ! que je suis content, que je suis content !

— Oui, maintenant je viendrai tous les jours. Quand il y aura du soleil, nous irons au jardin.

Tout en parlant, je le considérais stupéfaite. Il était tellement différent du Lucien