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Je ne sais pas combien de temps s’écoula dans cette pesante solitude, des minutes ou des heures…

À la fin la porte s’ouvrit doucement et maman entra. Elle vint à moi, me regarda de cet œil inquiet que si souvent je devais lui voir depuis, et me dit :

— Isabelle, votre père vous permet d’aller tenir compagnie à Lucien ce matin.

À cette déclaration inattendue, je demeurai quelques secondes frappée de stupeur sans trouver un mot à répondre. Ce bloc qui m’écrasait la poitrine depuis si longtemps venait de s’envoler comme un fétu de paille, et, chose étrange, cette délivrance me donnait tout d’abord une envie de pleurer. Mais cela passa vite ; la joie effaçait tout le reste, mes craintes vagues, mes appréhensions, mes informes soupçons ; je m’écriai, trompée par une logique enfantine :

— Ce n’est donc pas vrai qu’il s’en va ?

Maman me regarda très surprise, en murmurant :

— Qui est-ce qui vous a parlé de cela ? Il est malade pour le moment.

Je ne répondis rien, mais de nouveau quelque chose de lourd m’étouffa. Etonnée de mon silence, maman reprit :