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Puis il disparut dans la maison.

Pendant les deux semaines qui suivirent cet échec, je n’eus plus une seule fois l’occasion de me rapprocher de Lucien.

Les premiers temps, quand je le voyais revenir du collège, je suppliais maman de me permettre d’aller à sa rencontre, mais elle s’y opposait avec une persistance inflexible :

— Non… non… votre père l’a défendu.

Et quand je la poursuivais de pourquoi, elle ne répondait rien. Quelquefois elle se mettait à pleurer.

Je cessai peu à peu de la tourmenter, mais ma gaieté s’en allait sans que je susse où, ni pourquoi. Je n’avais plus aucune envie de rire, ni de jouer. Je n’allais plus courir dans le parc, ni m’asseoir à regarder les canards. Lorsque j’étais de retour de l’école avant Lucien, je restais assise à la fenêtre jusqu’à ce que je l’eusse vu rentrer. Je ne pouvais me mettre à mon travail que lorsque je le savais dans la maison. Avant d’ouvrir mes cahiers, je l’écoutais fermer la porte de sa chambre. N’était-ce pas étrange qu’il me préoccupât ainsi longtemps avant que je comprisse rien à ce qui se passait tout près de moi ? »