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et je ne le revis plus de toute la journée. Mais, le soir, au dîner, je le retrouvai assis à la même place entre papa et maman. Comme le matin, il mangea sans dire un mot et évita de nouveau obstinément de rencontrer mon regard. Malgré mon désir, je n’osai pas lui adresser la parole. Mais le lendemain, décidée à le faire parler, à le forcer de me voir, de me sourire, je guettai pendant des heures son retour du collège. Quand je le vis enfin franchir la grille, je courus au-devant de lui, sûre d’un joyeux accueil.

J’étais très enfant pour mon âge et je voulais lui offrir tout simplement de partager mes jeux.

Au lieu d’agréer avec joie ma proposition, comme je m’y attendais, il la repoussa durement :

Je ne joue pas avec les petites filles, moi !

Je répétai stupéfaite :

— Ah ! vous ne jouez pas avec les petites filles, vous ?

Il me regarda un instant comme s’il hésitait, mais en ce moment même maman ouvrit la fenêtre et m’appela. Il se sauva en courant et je l’entendis murmurer en passant :

— Elle est ici.