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seaux gigantesques, sur la mer déserte, et Isabelle, attentive, en suivait les capricieuses évolutions. Le sourire qu’elle avait ébauché tout à l’heure pour satisfaire son père avait entièrement disparu ; le pli de sa bouche fermée était redevenu tendu et triste.

Tout à coup, elle sortit de sa prostration, quitta vivement sa pose nonchalante, s’assit sur son châle et dit :

— Oh ! voyez donc, maman, là-bas, un navire, un tout gros.

Et croisant ses mains sur ses genoux elle regarda les tourbillons de fumée s’échapper des deux grosses cheminées. Le nuage gras s’élevait avec peine à quelques mètres puis il rabattait sur l’eau son panache pesant, et la traînée noire s’allongeait épaisse et persistante.

Philippe se leva. Depuis qu’Isabelle avait interpellé sa belle-mère, il n’avait pas cessé d’observer sa fille.

Il dit, sans la quitter des yeux :

— Le froid va venir, Isabelle, voilà le vent qui se lève. Il faut marcher à présent.

Le soleil venait de sombrer dans les vapeurs et au même instant une fraîcheur était tombée. Un voile gris, uniforme, enveloppa tout à coup