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les ignorés

coup à l’étrangeté de la démarche qu’on lui demandait au nom de Valentin.

Aller chez Valentin au vu et au su de tout le monde quand, dans la petite ville où après un long séjour à l’étranger elle était revenue attendre la mort, personne, non, personne n’ignorait qu’autrefois ils avaient été promis l’un à l’autre pendant plus de deux ans ! Était-ce possible ?

Une pudeur de vieille fille restée très jeune par le cœur, pudeur que des années et des années de célibat n’avaient pas éteinte, la tint un moment là… là…, sur le point de manquer à sa récente promesse. Cependant, en s’assurant une dernière fois devant la glace que ses cheveux blonds, grisonnants, toujours prêts à dresser au vent leurs frisons volontaires, étaient bien retenus par le peigne, elle aperçut en même temps son visage. Il était resté rondelet, la peau était rosée et saine partout, mais il avait l’air vieillot quand même, avec ses deux auréoles de rides autour des yeux et les autres plissures chiffonnant légèrement le bas des joues et le menton.

Comme si elle était faite à cette résistance d’un autre âge à des choses devenues pour elle sans conséquences, elle murmura :

— C’est égal… Quand on ne sait pas ce qu’il y a, il faut aller voir.

Et sans même penser à remettre la soupière à la cuisine, près du feu, elle sortit.

En face de sa demeure, un magasin de fruiterie