finances par l’escapade à Paris, avait, dès le début de leur installation, suscité quelques tiraillements entre les nouveaux mariés.
À satisfaire les curiosités et les éblouissements insatiables de Micheline, Jules Carpier, fermier aisé, propriétaire d’un lopin de terre suffisant à le faire vivre, d’une vie réglée et modeste, se trouva avoir plus dépensé pendant une courte semaine de vie conjugale que pendant les vingt dernières années de son célibat. En considérant sa bourse plate et en songeant à ses économies écornées, il avait eu des mouvements d’humeur. Mais, dès qu’il se retrouvait auprès de Micheline, qu’il voyait tout près de lui, la bouche rieuse aux dents intactes, le buste plein, la peau fine de camélia au blanc solide, et les deux petites narines un peu ouvertes et toujours frémissantes de sa jeune femme, sa mauvaise humeur se traduisait à peine en conseils timorés, tout ouatés de précautions.
C’était plus fort que sa raison, cette frayeur qu’il avait de contrarier Micheline, et cet attrait puissant qui l’avait poussé jadis à la courtiser en dépit de l’avis unanime de toute sa parenté, de tous ses amis, en dépit même d’une petite protestation intérieure l’avertissant que cette jolie fille, à la peau satinée, n’éprouvait rien à son endroit, pas même la curiosité d’une vie nouvelle, et qu’elle le prenait uniquement pour s’affranchir du travail de la campagne qui hâle le teint, déforme les mains et avale d’une seule bouchée la jeunesse en fleur.