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les ignorés

Ayant trouvé la porte close, il avait erré aux environs, le cœur bourrelé de regrets, se figurant sa tante Suzanne courant seule au hasard des routes à sa recherche ; mais ne sachant de quel côté la trouver, il était resté dans le voisinage de la boutique où il entendait aller, venir, parler.

— Tante Suzanne, murmura-t-il, confus. Me voici ? Je suis revenu beaucoup trop tard. Je vous ai inquiétée !

Elle le regarda un moment au fond des yeux, très attentivement, sans parler, puis elle dit :

— Non… Je suis allée à ta rencontre… du côté de la forêt… J’avais encore beaucoup de choses à te dire, mais à présent il me semble que je ne sais plus bien ce que c’était.

Il la suivit dans l’escalier obscur et ils se trouvèrent bientôt dans la chambre où quelques jours auparavant, ils avaient vu la lune abandonner son rideau de brumes.

Suzanne alla ouvrir les deux fenêtres et elle dit :

— Veux-tu de la lumière ?

— J’aime beaucoup l’obscurité, dit-il. Au séminaire, quand tout le monde dort, je me relève quelquefois et je vais m’accouder à la fenêtre pour regarder du côté de nos monts. La nuit, la pensée franchit mieux les distances.

Suzanne ne répondit pas tout de suite. Elle s’assit à côté de lui et ils restèrent quelques minutes silencieux. Enfin d’une voix basse, incertaine, tremblante, elle demanda :